Reconnaissance

Tu me connais peut-être
Un peu, beaucoup ou pas du tout
Aucune importance car à mon humble avis
Les liens humains se forgent moins par la connaissance
Que par la reconnaissance.

Pour illustrer mon propos
Permets-moi de te parler un peu de ma vie.
En quelques passages.
Peut-être te reconnaitras-tu?

Autrefois
Est le premier mot que j’ai choisi pour te parler de moi.
Car je crois utile que tu saches par où je suis passé.
Si mes propos suscitent chez toi de l’empathie,
Rappelles-toi que c’était autrefois.

Autrefois donc
J’avais le sentiment
De participer à une course perpétuelle et vide de sens,
De faire tourner une roue, sans pause ni répit, sous peine de culpabilité.
En effet, je peinais à me détendre sans penser à ma liste de choses à faire.
Je m’épuisais à remplir mes responsabilités que je percevais comme lourdes.
Parfois je me sentais dépassé par les événements
Et non à la hauteur des attentes que les autres plaçaient en moi.
Je procrastinais.
Je sabotais aussi.
Et je me blâmais de ne pas tenir mes engagements.

Autrefois
Je vivais de l’anxiété et de l’insomnie
Même pour des choses que je ne contrôlais pas.
Je n’acceptais pas de vivre cela.
Car rationnellement je me percevais comme un privilégié de la société,
vivant dans des conditions favorables comparativement à d’autres humains.
Bref, j’avais le sentiment de me plaindre le ventre plein.
J’avais l’impression de vivre à l’écart de mes valeurs de partage et d’entraide.
De gagner mon pain en ne distribuant que des miettes aux plus démunis.
Je regrettais de ne pas me sentir utile en œuvrant pour une cause charitable.

Autrefois
J’étais perfectionniste
J’imaginais toujours un idéal de perfection dans tout
Et je tentais péniblement de l’atteindre. Sans y parvenir.
Même dans mes réussites,
Je ne voyais que le petit détail qui aurait pu aller mieux.
Pendant longtemps je croyais que c’était une belle qualité, le perfectionnisme
Mais j’ai compris plus tard que ca ne créait chez moi
Qu’insatisfaction, frustration, stress, déception, …
Autrefois
Je ne m’estimais pas à ma juste valeur.
Je me dévaluais beaucoup plus que quiconque n’a pas pu le faire.
Je me reprochais mes erreurs beaucoup plus que n’importe qui ne l’a fait.
Méfiant, je craignais la critique et le jugement des autres.
J’acceptais difficilement leurs compliments et marques d’appréciation.
Je doutais de leur sincérité.
Je me sentais imposteur et indigne de l’affection qu’on me donnait.
Même sans fondement, j’idéalisais les autres.
J’enviais leurs belles qualités et je reniais les miennes.

Autrefois
J’avais peur de tout : l’intimité, l’échec, le rejet, le jugement, la critique, le
ridicule, parler en public, déranger, faire une erreur, etc.
Autrefois
Je me sentais éco-illogique
C’est-à-dire à la fois inquiet pour la Terre
Mais tellement impuissant à y changer quelque chose
Que je me voyais parfois comme l’un de ses agresseurs.
J’étais triste à propos du massacre d’éléphants, par exemple
A un tel point que je me sentais responsable
Comme si j’étais le braconnier.
Je savais que ce n’était pas moi mais j’étais triste à sa place.
Je me disais que si les richesses de la Terre étaient mieux réparties,
Peut-être que ces gens ne poseraient pas de tels gestes.
Je me sentais coupable de faire partie des privilégiés et de ce fait incapable de
condamner un pauvre père qui voulait nourrir sa famille.
Je me voyais abattre les forets amazoniennes
Chaque fois que je mangeais de la viande.
Je me sentais coupable de jeter des aliments ou des objets
Qui auraient fait le bonheur des moins fortunés.
Je méprisais les pollueurs dont je faisais partie
Toujours insatisfait de ma faible contribution à cette noble cause.

Autrefois
Je vivais une grande inquiétude face à l’avenir de l’humanité.
L’idée de blâmer la société de consommation ne m’attirait pas
Alors je choisissais à la fin de me dénigrer moi-même
De ne pas parvenir à y vivre heureux et épanoui malgré toutes les menaces.
Certes, il m’arrivait de blâmer les autres
Mais ca ne durait jamais longtemps car j’étais indulgent
Et ce même quand il aurait été justifié que je leur en veuille.
J’avais le pardon facile… sauf envers moi-même.

Autrefois
Je m’identifiais avec tristesse à la violence commise par certains hommes,
telle que présentée dans les médias…comme si j’étais concerné.
Ceci conditionnait aussi ma relation trouble avec l’alcool et la sexualité.
Je confondais fatigue et tristesse.
Je me sentais parfois inutile et inadéquat.

Autrefois, j’avais honte de tout cela.
J’avais l’impression de vivre avec un secret que je ne pouvais révéler.
Je me sentais coupable d’une faute imaginaire que je ne pouvais identifier.
Si ma faute était imaginaire, mon sentiment d’isolement, lui, était bien réel.
Prier ou méditer me paraissaient en vain.
J’avais l’impression d’être seul à vivre de tels tourments.
Je me sentais déçu de ne pas m’accomplir davantage, de ne pas déborder
d’enthousiasme et de ne pas me sentir à l’aise en toutes circonstances.
Tout cela minait mon estime personnelle de telle sorte que je m’isolais
socialement craignant d’avoir à révéler mes émotions secrètes.
Je me sentais comme si j’avais abandonné au fil des ans toutes les personnes
importantes pour moi : ma partenaire, mes enfants, mon père, ma mère, mes
frères, les autres membres de ma famille et surtout mes amis.
Le seul lien que j’osais entretenir avec eux était virtuel.
Je rêvais de trouver les mots pour leur expliquer afin qu’ils me pardonnent.
Tout ca c’était autrefois.

Aujourd’hui
Je me sens soulagé d’avoir révélé les secrets de mon passé.
Je sais qu’il m’appartient de faire d’autres choix pour l’avenir.
J’accepte d’avoir vécu ces émotions et qu’elles ressurgissent à l’occasion
Même si elles sont injustifiées ou associés à de vielles blessures.
Je reconnais que mes émotions prouvent mon humanité et ma sensibilité.
Je les accueille avec bienveillance.
Je vis avec gratitude chaque moment comme le plus beau présent.
J’observe les beautés du monde et je me laisse émerveiller par elles.
Je m’accorde le droit de vivre paisiblement sans regret et sans inquiétude.
Et s’ils se présentent encore, je les accueille comme je le ferais avec un ami.
Je mérite la plénitude.
Je reconnais que je suis une bonne personne.
Et je reconnais que tu l’es aussi.
Tu es extraordinaire et je te rends hommage.
Tu contribues à rendre le monde meilleur à ceux qui te côtoient.
Je suis comblé et privilégié d’en faire partie.

Avec tout mon Amour!

Daniel Loignon, Terrebonne, le 23 juin 2014