Fils de feu Jean-Baptiste Loignon (1931-1998) et de Simone Rancourt, j'ai découvert mon intérêt pour les mots au chevet de mon père. J'ai été l'initiateur de l'Association des familles Loignon Inc., fondé en 1989. J'ai pu ainsi développer au fil du temps un attachement pour les trésors du passé et un sens de nos origines, de ce qui nous définis collectivement. Avec ce site, je souhaite susciter l'intérêt pour l'histoire chez les jeunes, en particulier mes enfants Charlie, né en 1992, et Jeanne, née en 1994. Mon slogan personnel est : Le passé est toujours présent.
Tu me connais peut-être Un peu, beaucoup ou pas du tout Aucune importance car à mon humble avis Les liens humains se forgent moins par la connaissance Que par la reconnaissance. Pour illustrer mon propos Permets-moi de te parler un peu de ma vie. En quelques passages. Peut-être te reconnaitras-tu?
Autrefois Est le premier mot que j’ai choisi pour te parler de moi. Car je crois utile que tu saches par où je suis passé. Si mes propos suscitent chez toi de l’empathie, Rappelles-toi que c’était autrefois.
Autrefois donc J’avais le sentiment De participer à une course perpétuelle et vide de sens, De faire tourner une roue, sans pause ni répit, sous peine de culpabilité. En effet, je peinais à me détendre sans penser à ma liste de choses à faire. Je m’épuisais à remplir mes responsabilités que je percevais comme lourdes. Parfois je me sentais dépassé par les événements Et non à la hauteur des attentes que les autres plaçaient en moi. Je procrastinais. Je sabotais aussi. Et je me blâmais de ne pas tenir mes engagements.
Autrefois Je vivais de l’anxiété et de l’insomnie Même pour des choses que je ne contrôlais pas. Je n’acceptais pas de vivre cela. Car rationnellement je me percevais comme un privilégié de la société, vivant dans des conditions favorables comparativement à d’autres humains. Bref, j’avais le sentiment de me plaindre le ventre plein. J’avais l’impression de vivre à l’écart de mes valeurs de partage et d’entraide. De gagner mon pain en ne distribuant que des miettes aux plus démunis. Je regrettais de ne pas me sentir utile en œuvrant pour une cause charitable.
Autrefois J’étais perfectionniste J’imaginais toujours un idéal de perfection dans tout Et je tentais péniblement de l’atteindre. Sans y parvenir. Même dans mes réussites, Je ne voyais que le petit détail qui aurait pu aller mieux. Pendant longtemps je croyais que c’était une belle qualité, le perfectionnisme Mais j’ai compris plus tard que ca ne créait chez moi Qu’insatisfaction, frustration, stress, déception, … Autrefois Je ne m’estimais pas à ma juste valeur. Je me dévaluais beaucoup plus que quiconque n’a pas pu le faire. Je me reprochais mes erreurs beaucoup plus que n’importe qui ne l’a fait. Méfiant, je craignais la critique et le jugement des autres. J’acceptais difficilement leurs compliments et marques d’appréciation. Je doutais de leur sincérité. Je me sentais imposteur et indigne de l’affection qu’on me donnait. Même sans fondement, j’idéalisais les autres. J’enviais leurs belles qualités et je reniais les miennes.
Autrefois J’avais peur de tout : l’intimité, l’échec, le rejet, le jugement, la critique, le ridicule, parler en public, déranger, faire une erreur, etc. Autrefois Je me sentais éco-illogique C’est-à-dire à la fois inquiet pour la Terre Mais tellement impuissant à y changer quelque chose Que je me voyais parfois comme l’un de ses agresseurs. J’étais triste à propos du massacre d’éléphants, par exemple A un tel point que je me sentais responsable Comme si j’étais le braconnier. Je savais que ce n’était pas moi mais j’étais triste à sa place. Je me disais que si les richesses de la Terre étaient mieux réparties, Peut-être que ces gens ne poseraient pas de tels gestes. Je me sentais coupable de faire partie des privilégiés et de ce fait incapable de condamner un pauvre père qui voulait nourrir sa famille. Je me voyais abattre les forets amazoniennes Chaque fois que je mangeais de la viande. Je me sentais coupable de jeter des aliments ou des objets Qui auraient fait le bonheur des moins fortunés. Je méprisais les pollueurs dont je faisais partie Toujours insatisfait de ma faible contribution à cette noble cause.
Autrefois Je vivais une grande inquiétude face à l’avenir de l’humanité. L’idée de blâmer la société de consommation ne m’attirait pas Alors je choisissais à la fin de me dénigrer moi-même De ne pas parvenir à y vivre heureux et épanoui malgré toutes les menaces. Certes, il m’arrivait de blâmer les autres Mais ca ne durait jamais longtemps car j’étais indulgent Et ce même quand il aurait été justifié que je leur en veuille. J’avais le pardon facile… sauf envers moi-même.
Autrefois Je m’identifiais avec tristesse à la violence commise par certains hommes, telle que présentée dans les médias…comme si j’étais concerné. Ceci conditionnait aussi ma relation trouble avec l’alcool et la sexualité. Je confondais fatigue et tristesse. Je me sentais parfois inutile et inadéquat.
Autrefois, j’avais honte de tout cela. J’avais l’impression de vivre avec un secret que je ne pouvais révéler. Je me sentais coupable d’une faute imaginaire que je ne pouvais identifier. Si ma faute était imaginaire, mon sentiment d’isolement, lui, était bien réel. Prier ou méditer me paraissaient en vain. J’avais l’impression d’être seul à vivre de tels tourments. Je me sentais déçu de ne pas m’accomplir davantage, de ne pas déborder d’enthousiasme et de ne pas me sentir à l’aise en toutes circonstances. Tout cela minait mon estime personnelle de telle sorte que je m’isolais socialement craignant d’avoir à révéler mes émotions secrètes. Je me sentais comme si j’avais abandonné au fil des ans toutes les personnes importantes pour moi : ma partenaire, mes enfants, mon père, ma mère, mes frères, les autres membres de ma famille et surtout mes amis. Le seul lien que j’osais entretenir avec eux était virtuel. Je rêvais de trouver les mots pour leur expliquer afin qu’ils me pardonnent. Tout ca c’était autrefois.
Aujourd’hui Je me sens soulagé d’avoir révélé les secrets de mon passé. Je sais qu’il m’appartient de faire d’autres choix pour l’avenir. J’accepte d’avoir vécu ces émotions et qu’elles ressurgissent à l’occasion Même si elles sont injustifiées ou associés à de vielles blessures. Je reconnais que mes émotions prouvent mon humanité et ma sensibilité. Je les accueille avec bienveillance. Je vis avec gratitude chaque moment comme le plus beau présent. J’observe les beautés du monde et je me laisse émerveiller par elles. Je m’accorde le droit de vivre paisiblement sans regret et sans inquiétude. Et s’ils se présentent encore, je les accueille comme je le ferais avec un ami. Je mérite la plénitude. Je reconnais que je suis une bonne personne. Et je reconnais que tu l’es aussi. Tu es extraordinaire et je te rends hommage. Tu contribues à rendre le monde meilleur à ceux qui te côtoient. Je suis comblé et privilégié d’en faire partie.
25 ANNÉES DÉJA
Cher Papa,
Il y 25 ans j'écrivais
"Pars en paix Papa"
Humble et bienveillant message
Destiné à t'accompagner dans ce passage
Vers une destination que tu n'avais pas choisi.
Le matin du 13 juin 1998 donc
si c'était à refaire j'écrirais plutôt
"Tu resteras Papa"
car c'est bien ce que tu as fait
Rester dans la mémoire, le cœur et la vie de tes proches.
J'étais jeune et je me doutais guerre
Qu'un papa bien aimé, c'est éternel.
Dis moi Papa, t'es haut (Théo) dans le ciel
De là où tu es, vois-tu ce qui se passe ici-bas?
Y-a-il internet au paradis?
Sinon, je te propose un mode de communication original:
"EnToi.net" (Antoinette)
Puisses tu apprécier ces chansons que j'ai choisies pour toi!
Elles sont toutes chantées par des artistes décédés depuis 1998.
Peut-être le savais tu déjà!
Papa
Au cours de ta vie sur terre,
Tu as tout fait afin que nous manquions de rien
Continues à veiller sur nous à distance
Et à nous rassurer malgré les épreuves que la vie nous apportent.
Bien sûr, ce que tu nous souhaites le plus au monde
c'est que nous soyons heureux!
Je sais aussi que tu peux nous apporter réconfort
Dans les moments inévitables où nous serons tristes.
De ton coté, je t'imagine
Bien entouré des membres de ta famille
Ceux et celles que tu as retrouvé il y a 25 ans et
Ceux et celles que tu as accueilli depuis.
Merci de ta présence au fil des années et pour l'inspiration!
Je t'aime Papa!
Daniel
P.S. Félicitations! Tu es maintenant arrière-grand père depuis septembre 2022!
La note A+
était un but
un objectif
académique
Après l'école
Les années folles
Famille, boulot
Peu de repos
Avais-je un plan?
Par là, j'entends
Non plein d'avis
Mais plan de vie
(Car personne d'autre ne peut savoir ce qui m'anime au creux de mon âme)
Doit-on vraiment
Avoir un plan
Pour s'épanouir
Pour réussir?
A priori
Je suis d'avis
Que bonheur vient
Sur le chemin
De celui qui
Identifie
Ce qu'il espère
Dans ses prières
(J'ai toujours cru en un plan B, B pour Bonheur, sans trop l'atteindre)
Maintenant j'ose
Je me propose
Un vrai plan A
Juste pour moi
A pour...
Amour
Amitié
Accueil
Acceptation
Action
Activité
Adaptation
Admiration
Affection
Affirmation
Ailleurs
Alliance
Alimentation
Amélioration
Apprentissage
Aspiration
Assurance
Aventure
Autonomie
Que dire de plus?
Je ne veux plus
Me limiter
à un plan B
Car désormais
J'existerai
Grace à un plan
Chemin faisant
Vive mon plan A+ inspiré!
Et toi au fait
Qu'est-ce qui te plait?
Vise le plan!
Tu as le temps!
Daniel Loignon
Voici quelques chansons en lien avec le thème que je t’invite à découvrir :
TEXTE DE LA DOCTEURE ET ONCOLOGUE DE KARL PUBLIÉ DANS LE DEVOIR AVEC L’ACCORD DE LA CONJOINTE ET LA FAMILLE DU CHANTEUR
Cher Karl, je peux enfin dire Karl et laisser tomber le Monsieur Tremblay officieux, car la relation thérapeutique qui nous liait est désormais terminée.
J’ai eu l’odieux, il y a presque quatre ans, de t’annoncer le diagnostic. Moi qui avais souhaité une maladie opérable pour rêver d’espoir, je n’avais comme nouvelles que la plus mauvaise d’entre les mauvaises : un cancer solide, métastatique. Une entrée dans un monde cauchemardesque sans issue envisageable. Tout au plus quelques années qu’on essaierait d’étirer le plus possible. Et pour cela, je savais que je devais t’envoyer te faire soigner par les meilleurs.
Et ces experts ont donné tout ce que la science a de plus corrosif et de plus puissant afin de freiner l’envahisseur que rien ne semblait effrayer. Ligne après protocole, tu as enchaîné les traitements entre les mains de ces soignants tous attachés à aider ce jeune et brave père que tu es. Et toi de tout affronter sans broncher, solide comme le rock.
Quand Marie-Annick m’a écrit l’été dernier pour me dire que tes médecins étaient en vacances et que tu souffrais, je me suis dit que j’essaierais du mieux que je peux de soulager et d’accompagner. Mais je dois avouer qu’à travers les chiffres issus des analyses de ton sang et les densités des images sur les écrans, je ne pouvais qu’appréhender ce qui allait suivre. A contrario, tu semblais en meilleure forme que jamais, rajeuni de dix ans avec les yeux pétillants de vie et de l’énergie à revendre. Et il n’était pas question d’arrêter la lancée des Cowboys ; le tsunami d’amour était déclenché et rien ne t’empêcherait de remonter sur scène.
Un bon recherchiste pourrait trouver que le prophète Pauzé avait écrit bien des années avant ton diagnostic la chanson La tête haute et même Ici-bas. Mais on ne s’étonnera pas quand on sait que ce même prophète Pauzé, notre Nostradamus fleurdelisé, avait écrit sur les pandémies et les feux dévastateurs plus de 20 ans avant que leurs crocs ne germent et envahissent notre quotidien (8 secondes, Plus rien).
Mais ce que personne ne trouvera jamais dans les archives journalistiques, c’est que tu as chanté La tête haute et Ici-bas pendant plus de deux ans en connaissant ton diagnostic alors que le public qui t’applaudissait n’en savait rien. Que tu as chanté anémique, souffrant, négociant le meilleur timing pour tes traitements afin de privilégier ton horaire de spectacles et de respecter ton public. Ce que personne ne saura, c’est que tu as subi les affres de ce que la médecine moderne peut entraîner, des effets secondaires défigurants et des complications les plus saugrenues. Et toujours ton sourire indélogeable pour affronter toutes ces avanies, et cet espoir de remonter sur scène, encore et encore.
Simone et Pauline doivent savoir combien leur papa est courageux, comment il acceptait biopsies, radiothérapie et chimiothérapie sans rechigner simplement pour être là plus longtemps et les voir grandir. Et je peux témoigner t’avoir vu en traitement la veille et le lendemain de grands spectacles, recevoir une transfusion quelques heures avant un show. J’avais beau me dire que ça n’avait pas de sens, les critiques étaient toujours là pour me faire mentir, avec des élans plus dithyrambiques les uns que les autres. Oui, la scène t’aidait autant sinon plus que toute la pharmacopée oncolytique. Et aucun des artifices prescrits ne pouvait battre une rafle d’applaudissements nourris.
Jusqu’à ces derniers jours, où la douleur comme un tison s’est insinuée jusqu’à la moelle de tes os, t’assenant sans relâche ses relents vicieux pour rendre insupportable même l’effleurement d’une caresse. Tu as insisté pour rester chez toi avec tes filles jusqu’au bout, mais la douleur t’a ramené sur les genoux, au-delà des limites de ce qu’un corps peut endurer.
Et voilà que les choses déboulent et s’emballent et que ton corps décide qu’il n’en veut plus, alors que ta tête voudrait encore. Et nous qui courrons derrière pour essayer de te rattraper, mais déjà tu t’éloignes et je te regarde, impuissante, démolie, témoin des limites de ce que la science peut contre ces ignobles cancers.
Et que je n’entende jamais quelqu’un dire que tu auras perdu ta bataille ou terminé ton combat ; le cancer ne fait partie d’aucune forme de guerre loyale. Et puis s’il y a quelqu’un qui perd ici ce sera elle, la maladie, celle qui, en te volant quelques décennies, suffoquera à même sa lampée. Et puis nous, qui perdons un monument, une voix, un ancrage.
Mais pas toi. Tu n’auras rien perdu. Tu auras été un fringant jusqu’au bout, un troubadour debout et fier. Tu auras, comme m’a dit ton père, toujours gardé la tête haute.
Dr Marie-Anne Archambault, Lettre ouverte dans Le Devoir 18 novembre 2023
Début janvier 2023. Le Centre Bell est plein à craquer. Votre quatrième soir dans l’immense amphithéâtre en quelques mois. À peu près aucun média ne couvre l’exploit. Faut dire que vous nous avez habitués à ce genre de succès. Ça fait longtemps que la joke entre deux chums d’un même trio est devenue un phénomène de société.
Les lumières de l’aréna se tamisent, tes ami.e.s montent sur scène. Marie-Annick au violon, le docteur Dupras à la basse, Pauzé à la guitare et à l’écriture des tounes que tu portes et qui nous transportent. Ils jamment un long moment pendant que s’agite dans l’air une fébrilité si dense qu’on peut presque y toucher. Lentement mais sûrement, tu sors de la pénombre, humble et triomphant, tu avances sous un tonnerre d’applaudissements. Avec ta dégaine unique, tu t’approches de ton micro, tu l’agrippes de tes deux mains, tu fermes les yeux, puis tu te lances :
Malgré la mort Celle qui frappe Et qui nous fait pleurer Ou bien celle qui un jour Tôt ou tard nous fauchera Je m’accroche les pieds ici-bas.
Tout le monde dans la place connait ton état. Pourtant, pas d’apitoiement, aucune résignation possible. Tu ne nous permets pas d’abdiquer. Cette crisse de vie, même toute croche, même injuste, il faut en célébrer chaque seconde. J’essuie mes larmes et serre très fort la main de ma blonde qui a aussi les yeux plein d’eau. À nos côtés, nos trois ados, qui vivent leur premier spectacle des Cowboys, comprennent d’instinct la grandeur du moment.
Le show dure deux heures et dix minutes. On rit, on pleure, on danse, on chante à tue-tête avec vous. Avec toi. Et défilent des bouts du film de nos vies. Nos conneries du cégep, les appartements frettes où on s’est gelé le cul, les morveux, l’hypothèque, nos bons coups et nos échecs. Les années qui nous glissent entre les doigts pendant qu’on travaille et qu’on fait de notre mieux pour s’en sortir. Tout au long du chemin, vos chansons nous accompagnent, précieuses comme les grandes amours et les vraies amitiés.
Au cœur de l’affaire vole ta voix. Son timbre insolent de ti-cul baveux s’est transformé au fil des disques et des tournées pour faire apparaître celle, plus nuancée, de l’interprète plus grand que nature que t’es devenu. Dans chacune de tes notes, une brèche d’humanité. Une voix à l’image de l’homme d’exception que tu es, bienveillant et généreux, incapable de compromission ou de demi-mesure.
Toi, le plus grand meneur de foule que notre culture aura vu passer. À l’image de ton band, tu es seul dans ta catégorie.
Après le show, l’arrière-scène déborde de gens qui n’en ont que pour toi. Dans l’œil de la tempête, tu viens nous saluer. Marie-Annick s’amène aussi, souriante. Tu prends un temps avec chacun de nos enfants. Parce que t’es comme ça, tu coches toujours présent. Je vous dis : «Merci, on vient de vivre l’un de nos plus beaux moments en famille». Puis ta grande fille Simone arrive en courant. Elle s’agrippe à toi, te serre très fort, les yeux fermés. Comme si la vie en dépendait.
C’est à elle et à sa sœur Pauline que je pense maintenant. À Marie, à tes parents, à tes proches aussi. À JF, Jérôme et toute la grande famille des Cowboys, éparpillée partout sur notre vaste territoire comme nos cœurs en miettes. Et pourtant, plus que jamais tissée serrée grâce à toi.
Heille Karl, merci de nous avoir tant donné. Repose en paix.🕊️
Vincent Vallieres, le 18 novembre 2023
Au moment de ton départ, le ciel a mis ses plus beaux habits pour t’accueillir comme il se doit. Tu étais d’une bonté extrême. Tu t’arrangeais toujours pour que tout le monde soit bien autour de toi. Tu étais une force tranquille, le pilier d’une famille, d’un groupe et de milliers de fans. Un homme heureux. Tu trouvais le bonheur beaucoup plus émouvant que le malheur. Toujours positif et réconfortant, tu ne demandais jamais rien… sauf des câlins ❤️. Depuis quelques mois, tu avais besoin d’aide.
Mon gros, ce fut un immense bonheur pour moi d’inverser enfin les rôles. De t’apporter tout le soutien, l’amour et les soins nécessaires à ton confort. Tu m’appelais « mon infirmière privée d’amour ». Tu n’aimais pas être affaibli mais tu restais fort, toujours. Un grand homme. Tu continueras à vivre à travers nos filles. Elles ont hérité beaucoup de toi.
Chéri, au retour de l’hôpital, Mel et Dom ramenaient nos filles. Il n’y avait qu’une étoile dans le ciel, impossible d’en voir une autre. Notre belle Simone a dit : « Papa est déjà monté au ciel pour nous saluer! » et notre petite Pauline a répliqué : « Si c’était parrain Jean-François qui était décédé son étoile ne serait sûrement pas déjà là car, lui, il est toujours en retard! » Je sais que tu dois rire en ce moment 🙂
Elles sont magnifiques. Ne t’en fais pas, je vais bien m’en occuper.
Je t’aime. Tu vas tellement nous manquer.
Marie-Annick Lépine, le 17 novembre 2023
MON AILIER GAUCHE
Étrangement, mes meilleurs moments avec Karl n’étaient pas avec les Cowboys. Ceux que je chérissais particulièrement se passaient les dimanches et les mardis lorsque nous allions jouer au hockey.
La plupart du temps, nous étions fourbus d’avoir fait des concerts la veille et l’avant-veille. Mais quand nous partions tous les deux vers l’aréna le dimanche soir, on était heureux. C’était notre exutoire, notre détente et notre club social. Le boulevard Gouin qui menait à l’aréna, on l’avait surnommé « la route du bonheur », clin d’œil à notre première chanson écrite il y a plus de 25 ans.
Jouer au hockey était un prétexte. On aimait ça, oui, mais ce que l’on appréciait d’avantage c’était la p’tite bière d’après-match. Les rires de vestiaire, les confidences surprenantes et les taquineries. J’en buvais 2 parce que je conduisais toujours. Toi tu te gâtais avec 5-6. On revenait pis tu jasais dans l’auto. On est des gars de la génération X parfois un peu pognés par en dedans. Les effets de la Bud Light te déliaient la langue pour te confier plus intimement. Des fois.
On arrivait chez toi et tu me disais toujours : « Viens-tu en prendre une p’tite dernière? Marie n’est pas couchée. ». La plupart du temps je cédais.
Depuis deux ans tu ne viens plus jouer. J’ai encore du fun à voir les boys mais ce n’est plus pareil. Je fais la route seul pis tu me manques. Lundi soir, après ma game, je suis passé chez toi. À ma grande surprise, tu étais réveillé, assis sur ton divan dans le salon. Je suis entré et on a jasé une heure. T’étais brûlé mais tu gardais encore espoir.
36 heures plus tard tu mourais.
Au moins, pour me consoler, je me dis que ce lundi 13 novembre 2023, j’aurai pris « une p’tite dernière » avec toi.
Jean-Francois Pauzé, le 18 novembre 2023
Karl, mon ami, mon frère,
27 ans ensemble dans un band, ça ne développe pas une amitié, ça forge l’éternité. Les dizaines de milliers de kilomètres que l’on a avalés ensemble, les scènes que l’on a foulées, les rires et les pleurs qui ont jaillis à chaque fois que tu ouvrais la bouche. Une grande partie de ma vie s’est faite à tes côtés : un peu en retrait, à ta gauche, je me suis toujours senti à ma place dans l’aura du protecteur.
Tu étais un géant habité d’une force tranquille : le plus grand chanteur que j’ai entendu, le clown des loges, l’entrepreneur pour le jeu et l’amitié, le power forward des ligues de bière, le père aimant, l’ami loyal, le guerrier devant la maladie, l’indéfectible joueur. Tu avais une vie sculptée entre ta famille et tes amis, entre ton divan et la scène. Un vrai de vrai anticonformiste, un rebelle, un punk, mais toujours respectueux, sans jamais marcher sur les pieds de personne.
La liste de personne qui peut changer la vie d’une nation entière est très courte. Ce n’est l’affaire que de quelques hommes et femmes politiques, de grands artistes ou autres militants du bien commun. Tu as réussi cela par ton charisme sans égal, mais aussi car tu n’as jamais rien cherché ou demandé. Le public l’a bien ressenti ton authenticité, ta gêne, ta douce extravagance. On ne peut pas cacher une personnalité à un public pendant des décennies. Les gens se sont reconnus car ils savent comme toi à quel point la vie est dure, parfois belle, mais que c’est en étant partagée qu’elle a un sens.
L’amour que tous te portent aujourd’hui n’a d’égal celui que tu avais pour tes filles, ta blonde, ta famille, tes amis, ton band et ton public. Nous te le devons bien.
Quelques minutes après que tu sois parti, je suis sorti de l’hôpital pour prendre l’air. Dans le ciel flottait le drapeau du Québec dans un impressionnant ciel multicolore, une des images les plus fortes de ma vie. Quelques jours plus tard, je constate qu’encore une fois, sans le vouloir, tu nous as tous porté sur tes épaules.
Je t’aime, Jérôme
Ps. Merci à tous ceux et celles qui m’ont offert leurs témoignages et leur soutien dans les derniers jours.
Et pour compléter cette page qui te rend hommage mon Amour, j’ai choisi une chanson qui exprime parfaitement les sentiments que j’éprouve pour toi. J’espère que tu aimeras. Bon anniversaire!